Vie affective et sexuelle - Page 2

  • Accompagnement sexuel : que dit le droit ?

    images.jpgEn mars dernier, s'est déroulé la première formation d’accompagnants sexuels pour personnes en situation de handicap . Une initiative de l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas), basée à Erstein, près de Strasbourg.

    Qu’en est-il du droit français sur le sujet ?

    Former des personnes à devenir des accompagnants sexuels est-il légal ?

    OUI - Au vu du programme fourni par les organisateurs expliquant comment il est possible d’exercer comme accompagnant sexuel (cadre légal, connaissances du handicap, mises en situation…), le Tribunal de grande instance de Strasbourg (TGI) a estimé, vendredi 6 mars, que la formation pouvait avoir lieu. Il répondait au référé de l’Appas pour rupture de contrat après que l’hôtelière, devant accueillir les stagiaires, s’était rétractée. Elle craignait d’être « complice de proxénétisme. »« Il n’apparaît pas que le risque de proxénétisme hôtelier soit caractérisé », a indiqué Dominique Vieilledent-Theate, la juge des référés civils.

    L’activité enseignée est-elle autorisée ? 

    OUI et NON - Cette activité n’existe officiellement pas en France car elle est assimilée à de la prostitution. Aucun texte de loi n’établit comme interdit le fait de se prostituer mais le faire savoir (racolage) ou faciliter la prostitution d’autrui (proxénétisme), oui. En octobre 2012, dans un rapport, le Conseil consultatif national d’éthique a estimé qu’« il n’est pas possible de faire de l’aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres en raison du principe de non-utilisation marchande du corps humain ». La juge des référés du TGI de Strasbourg l’a également rappelé : « La loi pénale en vigueur en matière de prostitution ne prévoit aucune dérogation particulière concernant l’accompagnement sexuel des personnes handicapées. »

    Sur quels critères l’accompagnement sexuel est-il considéré comme de la prostitution ?

    Pour la Cour de cassation (1996), « la prostitution consiste à se prêter, moyennant rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui ». Or, il y a bien rémunération et la plupart du temps contact physique, ce qui est bien plus large que la seule pénétration. « Un massage tarifé, s’il est réalisé à des fins érotiques, même sans toucher les organes génitaux, est considéré comme de la prostitution. Que l’assistant sexuel soit touché ou touche la personne handicapée, qu’il soit nu ou pas ne change rien à cette qualification, si le but est de procurer un plaisir sexuel », indique Caroline Zorn, avocate de l’Appas. C’est pourquoi des salons de massage où les clients pouvaient payer des attouchements ont déjà été condamnés pour proxénétisme.

    Gratuit, effectué par des bénévoles, l’accompagnement sexuel serait-il autorisé ?

    OUI – Car il ne serait pas assimilé à de la prostitution. Mais « aucune autre forme de rémunération, même des cadeaux, ne serait possible », précise Me Caroline Zorn.

    Sans contact physique, l’accompagnement sexuel serait-il autorisé ?

    OUI - « Éveiller à la sensualité, montrer à quelqu’un comment il peut donner ou trouver du plaisir, lui procurer des objets pour l’y aider, installer en position pour faire l’amour un couple qui ne le pourrait pas tout seul, si cela n’implique pas de contact physique entre l’assistant et la personne handicapée, ne relèvent pas de la prostitution », estime Géraldine Chapurlat, juriste à l’Institut Formaneo, spécialisée dans le service aux établissements médico-sociaux. Le Comité consultatif national d’éthique l’a écrit : « L’aide apportée à un couple de personnes handicapées motrices dont aucune n’a la possibilité physique de se rapprocher de l’autre ne rentre dans le champ d’aucune incrimination. »

    Les futurs accompagnants sexuels pourront-ils être poursuivis pour racolage ?

    OUI – S’ils se font connaître. « Le fait par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération, » (article 225-10 du Code pénal) est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

    Une personne handicapée faisant appel à un accompagnant sexuel peut-elle être poursuivie ?

    NON - L’Assemblée nationale a voté, fin 2013, une loi dont l’un des articles pénalise l’achat d’actes sexuels d’une contravention de 1 500 euros et d’une amende de 3 750 euros en cas de récidive. Mais les sénateurs ont supprimé cette pénalisation l’an dernier et la loi est toujours en discussion au Sénat.

    Les parents ou les établissements acceptant que leur enfant ou résidant ait recours à un accompagnant sexuel répondraient-ils, selon la loi, de proxénétisme ?

    OUI théoriquement - Même fermer les yeux quand on n’a pas soi-même servi d’intermédiaire peut, dans une application stricte de la loi, ouvrir à des poursuites car le proxénétisme consiste aussi à « protéger la prostitution d’autrui ». Cependant, « les établissements sont liés par le secret professionnel », nuance Caroline Zorn, avocate de l’Appas. « Il me semble qu’il faut caractériser un acte. Une simple abstention ne pourrait être suffisante pour caractériser le délit, les parents ne pouvant pas contrôler les actes relatifs à la vie privée de leur enfant », estime Géraldine Chapurlat.

    Pour envisager la légalisation de l’activité d’assistant sexuel, faudrait-il une modification de la loi ?

    OUI –  Sinon, elle tombe sous le coup du proxénétisme. Mais aucun projet de loi n’existe actuellement en ce sens. En l’état de la législation française, le Comité consultatif national d’éthique rappelle que, dans le Code pénal, les infractions relatives au proxénétisme figurent dans une section d’un chapitre intitulé « Les atteintes à la dignité de la personne humaine » et qu’il ne peut, par conséquent, pas y avoir d’exception autorisant une atteinte à la dignité. En 2011, l’ex-député UMP de la Loire, Jean-François Chossy, avait présenté une proposition de loi pour légaliser l’assistance sexuelle. Sans suite.

    Source Faire Face